Territoires ruraux : Familles Rurales interpelle les pouvoirs publics face au sentiment d’abandon et de déclin et l’urgence de l’action

Publié par l'association FDNAT le 18 novembre 2025

À la veille des élections municipales et alors que le budget 2026 fait planer la menace de coupes budgétaires drastiques, Familles Rurales publie son enquête « Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie » réalisée par l’IFOP et interpelle les pouvoirs publics sur l’urgence de l’action.

Sept ans après la première édition, les zones rurales demeurent au cœur des fractures françaises. Alors que l’image négative et parfois caricaturale d’une ruralité en déclin avait laissé place à celle de territoires attractifs et dynamiques, le sentiment d’abandon croît à nouveau, dans un contexte national marqué par l’instabilité et le pessimisme.

Les campagnes françaises restent des lieux de vie attractifs par leur qualité de vie, porteurs de lien social et d’un art de vivre auquel nos concitoyens restent profondément attachés. Mais derrière cette image positive se cache une inquiétude persistante, qui s’exprime avec plus de force que jamais : celle d’une ruralité qui se sent délaissée, fragilisée par la fermeture des services publics, la pénurie de médecins, les difficultés de mobilité et la hausse du coût de la vie. En 2025, 59 % des ruraux estiment que leur territoire est “abandonné” et 48 % qu’il est “en déclin”, soit une hausse de 13 points par rapport à 2023 ! Ces chiffres dépassent même ceux de 2018, à la veille de la crise des Gilets jaunes. Les habitants expriment le sentiment d’un recul silencieux – celui d’une égalité républicaine qui s’effrite, d’un État qui s’éloigne.

Pourtant, la ruralité reste une chance pour l’avenir de notre pays et regorge d’atouts. Les habitants, malgré les difficultés, témoignent toujours d’un fort attachement à leur territoire : 88 % des ruraux se disent satisfaits de vivre dans leur commune et s’engagent activement dans la vie locale.

Car la ruralité résiste et innove ! Partout, des associations, des élus, des citoyens inventent des solutions concrètes pour vivre et agir ensemble. Le réseau Familles Rurales, avec ses milliers de bénévoles et de salariés, en est chaque jour le témoin : par ses services aux familles, son engagement pour le lien social, son rôle d’accompagnement des transitions. Les territoires peuvent être moteurs de progrès collectif dès lors qu’on leur en donne les moyens.

« Pour Familles Rurales, il est impératif que ces réalités soient pleinement prises en compte dans les politiques publiques, nationales comme locales. Ce baromètre rappelle avec force l’urgence d’agir : l’action publique doit renouer avec le terrain, redonner des moyens aux communes, soutenir les services essentiels – santé, éducation, mobilité, accompagnement des familles – et appuyer les acteurs associatifs qui maintiennent la vie dans nos villages. La cohésion du pays dépend de notre capacité à tenir la promesse d’égalité entre tous les territoires. Réinvestir la ruralité, ce n’est pas réparer une injustice passée : c’est préparer l’avenir », souligne Guylaine Brohan, présidente de la fédération nationale Familles Rurales.

L’action publique doit renouer avec le terrain, redonner des moyens aux communes, soutenir les services essentiels et appuyer les acteurs associatifs qui maintiennent la vie dans nos villages.

Les principaux enseignements :

1.    Alors que le monde rural bénéficie toujours d’une bonne image, le sentiment de déclin et d’abandon s’accroît fortement de sorte à dépasser le niveau de 2018

  • Les ruraux conservent une image positive du monde rural et apparaissent tout aussi satisfaits d’y vivre (94% le jugent « agréable à vivre » ; stable depuis 2018). Néanmoins, s’ils ne remettent pas en cause l’attachement à leur mode de vie au sein d’une commune rurale, ils se montrent plus inquiets que jamais à l’égard de son attractivité. Plusieurs traits d’image positifs chutent et retrouvent les niveaux de 2018 : « qui connaît un renouveau » (-11 pts vs 2023), « attractif » (-8 pts), « dynamique » (-3 pts) et « moderne » (-6 pts). Plus préoccupant encore, les traits d’image négatifs progressent à des niveaux encore jamais atteints dans le cadre de ce baromètre : « l’abandon » (+8 pts vs 2018) et le « déclin » (+5 pts vs 2018).
  • Au sein du grand public, le monde rural bénéficie également d’une bonne image, mais l’embellie portée ces dernières années par « l’effet confinement » s’estompe. Le recul de plusieurs traits positifs et la hausse des perceptions négatives (65% « abandonné », +8 pts vs 2023 ; 58% « en déclin », +11 pts vs 2023) marquent le retour à un jugement plus pessimiste, même si l’image reste meilleure qu’en 2018. 
  • Autre nouveauté notable de l’édition 2025 du baromètre : la « sécurité » en milieu rural est davantage valorisée. C’est la 5e principale motivation à s’installer dans une commune rurale (+6 pts chez les ruraux ; +5 pts chez le grand public).

     

2.    En milieu rural, le déficit d’accès aux services publics - en particulier les services de santé - s’accentue significativement et participe de ce sentiment d’abandon

  • L’attractivité du monde rural est mise à mal par deux freins principaux, bien identifiés : le manque d’infrastructures publiques et la difficulté d’accès croissante aux services de santé. Une situation qui tend même à s’aggraver sur ces aspects depuis 2018. 

    a)  Aussi bien pour le grand public que les ruraux, le déficit d’infrastructures publiques demeure non seulement le point faible numéro un du monde rural (cité notamment par 71% des ruraux, soit +6 pts vs 2018). Il s’amplifie également avec les années (63% estiment que la situation en matière d’accessibilité aux services publics s’est dégradée ; +5 pts vs 2018 et +36 pts vs 2003 !). La moitié des ruraux (50%) estime par ailleurs ne pas ou peu bénéficier de l’action des pouvoirs publics, contre un quart (26%) du grand public. Un écart qui illustre le sentiment de désengagement de l’État. 
    b)   L’accès aux services de santé est identifié par les ruraux comme celui s’étant le plus dégradé au cours des dernières années (72% ; +15 pts vs 2018 et +36 pts vs 2003 !). 

  • Dans ce contexte, les priorités d’action se concentrent sur le renforcement des services publics, avec en tête la lutte contre la désertification médicale (66% des ruraux ; 59% du grand public).

 

3.    Chez les ruraux, l’engagement associatif se joue d’abord à l’échelle de la commune, à rebours d’un grand public davantage tourné vers des causes à plus grande échelle

  • Les ruraux s’engagent dans la vie associative autant que le grand public (43% vs 44%).
  • Ils se distinguent cependant par la nature de leur engagement. Premièrement, l’engagement des ruraux répond davantage à des enjeux locaux (et moins à des enjeux nationaux ou internationaux) : 52% des ruraux engagés agissent en priorité pour dynamiser leur territoire (+10 pts vs le grand public), loin devant le soutien à une cause nationale ou internationale (17% ; -8 pts vs le grand public). Les associations privilégiées relèvent d’abord de l’animation locale (36%), puis de la protection de l’environnement ou de l’aide aux personnes dépendantes (23% chacune).
  • Au global, le soutien communal à la vie associative est salué par la majorité des répondants (71% des ruraux et 81% du grand public) mais des disparités persistent entre les plus petites et les plus grandes communes rurales.

 

URGENCE D’AGIR

5 priorités pour construire l’avenir des ruralités : Familles Rurales réitère ses principales propositions

1.    Assurer un socle minimum de services de proximité dans chaque territoire afin d’en garantir un égal accès à tous

  • Développer les Maisons France Services, guichets administratifs de proximité, services itinérants ou encore point de médiation numérique
  • Déployer le Service public de la petite enfance et s’appuyer sur l’offre associative locale (multi-accueil, RPE, parentalité). 
  • Favoriser la création de nouveaux lieux d’innovation et de solidarités : création de tiers-lieux, coworking, espace lieu culturel, espace de vie social, épiceries solidaires lieu mutualisé etc. en lien avec les associations locales.

     

2.    Créer un plan d’urgence pour mettre fin aux déserts médicaux 

  • Agir pour la création de maisons ou centres de santé pluridisciplinaires, recruter des médecins salariés, encourager les tournées de soins itinérants, soutenir l'installation de jeunes professionnels de santé et développer des partenariats locaux pour assurer un suivi médical régulier des habitants.

 

3.    Accroître le soutien aux réseaux d’associations assurant des services à la population dans les zones rurales et en assurer la pérennité grâce à un statut spécifique.

  • Garantir un soutien pérenne par des subventions pluriannuelles et la mise à disposition de locaux aux associations locales.
  • Soutenir les bénévoles via un accompagnement concret (formation, appui logistique, reconnaissance publique), renforcer leur place dans les projets municipaux et favoriser leur participation à la vie citoyenne locale.

 

4.    Déployer un plan de mobilité durable adapté aux territoires ruraux :

  • réouverture des gares et petites lignes de train, développement de l’usage du véhicule électrique en diminuant son coût,
  • politique spécifique visant à développer les mobilités douces dans les zones rurales, soutien au développement des solutions de transports solidaires,
  • baisse de la TVA à 5,5% pour les transports en commun.

 

5.    Accélérer et soutenir la transition écologique au niveau du territoire

  • Intégrer systématiquement les associations à la définition des priorités d’action pour la transition écologique dans le cadre des CRTE et les PAT
  • Accroître le soutien à la protection de la biodiversité et maintenir la valorisation des aménités rurales.
  • Mieux accompagner les ménages pour la rénovation des passoires énergétiques : créer un principe de « zéro reste à charge » pour les plus modestes, augmenter les seuils d’aides de « MaPrimeRénov », créer une obligation de résultats pour les professionnels concernant les travaux de performance énergétique.
  • Déployer un plan national du « Manger mieux » décliné sur chaque intercommunalité afin de renforcer la consommation locale et de saison, accompagner l’évolution des comportements alimentaires et lutter contre le gaspillage alimentaire et le suremballage.

Contacts presse :

Niki Vouzas - niki.vouzas@famillesrurales.org - 06 49 49 75 17
 

En savoir plus